« 37 niggas », une série photo pour comprendre la masculinité noire
À travers sa série « 37 Niggas », le photographe Brandon Stanciell explore la pluralité de la condition d'homme noir.
Photographie Brandon Stanciell
37 hommes noirs torses nus, des petites fleurs blanches derrière l'oreille ou dans les cheveux. Des hommes – castés sur Instagram ou amis de Stanciell – devant un fond noir, rouge et vert en tissu, qui reproduit le drapeau panafricain, symbole culte de l’unité africaine et afro-américaine. Le projet est signé du photographe californien Brandon Stanciell. L'objectif ? « Que les gens voient à quel point nos manières d’être noirs sont diverses et variées ».

Quel est le sens de ta série 37 Niggas ?
Pour moi, 37 Niggas était - et est toujours - une exploration de ma propre condition noire et de la condition d'homme noir de manière plus générale. J'ai voulu comprendre pourquoi je m'étais senti aussi mal dans ma peau en grandissant, et voir si d’autres hommes noirs avaient pu ressentir la même chose. Je souhaitais aussi questionner la façon dont les hommes noirs sont perçus par la société. Evidemment, à cause de son histoire connotée, le mot « Nigga » est assez tabou. Mais on continue à l’utiliser aujourd’hui encore, même dans notre propre communauté. Je voulais utiliser un mot qui a toujours eu une connotation négative, et l’associer à une vision positive, tout en questionnant la perception des Noirs dans la société. Un homme noir ne peut être réduit à sa couleur de peau.

Pourquoi mettre en scène tes modèles torses nus dans une champs de fleurs ?
Les fleurs font partie de ma signature, ça date de l’époque où j’ai commencé à shooter mes séries de portrait Thinker of Tender Thoughts et The Man Who Loved Flowers. Me servir à nouveau des fleurs, c'était créer une continuité autour du thème de la masculinité. Les hommes torses nus ont l’air nus, ou vulnérables. Je voulais qu’on les voie pour qui ils sont vraiment - pas les dissimuler sous des vêtements. Je leur avais aussi demandé de venir avec un élément qui signifie quelque chose pour eux, qu'il s'agisse d’un pion d’échecs ou d'un disque.
Le fait d'être un artiste noir t'a-t-il exposé à des pressions ?
Quand tu es un artiste noir, tu doutes souvent d’avoir choisi la bonne voie. En grandissant, j'ai très rarement entendu parler d’hommes noirs artistes ou photographes. On ne parlait que de ceux qui faisaient de la musique ou du sport, et ça finit forcément par embrouiller l’esprit. Tu commences à te dire que tu n'auras jamais de succès si tu n'es pas l’un ou l’autre.
Qui sont tes plus grandes inspirations ?
Deana Lawson est l'une de mes plus grandes inspirations. J’ai l’impression que le fait qu’elle soit une jumelle monozygote et que je sois moi-même monozygote nous lie, d’une certaine façon. Ce que j’admire le plus dans son travail, c’est son usage de la lumière et de la composition. Il y a aussi Kerry James Marshall. Je ne m'explique pas vraiment pourquoi, mais quand j’ai vu son travail pour la première fois, ça a allumé une flamme en moi. J’adore voir des personnes noires créer de l'art, qui est authentique, sensé et beau. J'aimerais pouvoir inspirer des gens comme j'ai pu être inspiré.

Quelles autres histoires aimerais-tu raconter autour de la masculinité noire ?
J’ai interviewé chaque homme qui a participé à ce projet en lui demandant de partager son expérience de notre société en tant que noir. Je veux que tout le monde puisse voir la façon dont les hommes noirs vivent et comprenne que les défis auxquels ils ont pu être confrontés façonnent les personnes qu'ils sont aujourd’hui.




